Paris, France

Luc Gential

Col du Banchet

Ayant été placé sous un antibiotique photosensibilisant, c’est une fois le soleil tapis derrière les collines que j’entame cette boucle inédite. La distance et le dénivelé sont parfaitement adaptés à la fois à la course que je prépare — le 13 km de l’ESSJM — et au matériel dont je dispose, à savoir une ceinture contenant 700 ml d’eau, un téléphone portable et une lampe frontale. Les pentes moyennes des montées, voisines de 9 %, me permettent de courir l’intégralité du tracé. J’ai franchi la première difficulté de +409 m à 659 m/h et la seconde de +209 m à 762 m/h. Maintenant, place à deux jours et trois nuits de surcompensation avant la course de jeudi.

Carte
Profil
Courbes temporelles
Histogramme des fréquences cardiaques

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La Tortue

Découverte du sentier d’interprétation de la Tortue (hameau d’Argental), inauguré le vendredi 8 juin 2012. La boucle, de longueur 700 mètres, semble avoir été dessinée pour enchaîner fractionnés courts en côte et descentes techniques dans les rochers. Plus loin, sur le sentier Odouard, un couple de randonneurs me demande la direction du crête de l’Œillon, où se trouve leur voiture. Je réponds instinctivement que c’est à 17 kilomètres, ce que je vérifierai plus tard. Ils avaient perdu le GR, probablement depuis un certain temps. Cette rencontre explique l’arrêt de cinq minutes visible sur le profil.

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Trail de Saint-Jeure-d’Ay (13 km)

Je profite de ce petit trail pour vous présenter ma façon d’estimer mes temps de course. Je l’ai éprouvée sur mes précédentes courses, avec des erreurs aussi faibles que 4 minutes pour 8 heures de course si l’on prend l’exemple de la Saintélyon.

Le tracé officiel du 13 km sous Openrunner donne 12,787 km “horizontaux” et 232 m de dénivelé. Le tracé n’a pas été certifié par l’ITRA mais est, à l’évidence, suffisamment propre pour que je né prenne le soin de le modifier directement sur Openrunner, Garmin Connect ou dans Garmin BaseCamp. Le pointage des points hauts et bas sur la carte IGN Top 25 donne en revanche un dénivelé égal ou légèrement supérieur à 281 m.

Profilhttp ://www.openrunner.fr

Je me rends ensuite sur soft​run​.fr dans la rubrique “Estimateur de performances”. En me connectant sous mon compte personnel, et après avoir cliqué sur “Charger les performances”, je retrouve un certain nombre de courses officielles sur route et sentiers qui me serviront de référence pour la calibration du modèle. Je renseigne dans la partie supérieure de l’écran les caractéristiques de la course que je souhaite prévoir et clique sur “Calcul”. J’obtiens alors une hypothèse haute, une hypothèse basse, et un temps moyen. À cause d’un manqué d’entraînement évident d’une part, et parce que la course est courte d’autre part (biais de softrun qui trouve ma performance sur 10 km route médiocre), j’envisage un temps légèrement moins bon que l’hypothèse le plus pessimiste. Cette hypothèse de 55 minutes et 23 secondes constituera mon objectif.

Estimateur de performancehttp ://www.softrun.fr

J’ouvre alors le logiciel Course Generator dans lequel j’importe la trace GPX exportée depuis Openrunner. Je renseigne tout ce qu’on peut renseigner, et notamment ce qui peut expliquer une différence d’allure entre deux portions (difficulté du terrain, coefficient de fatigue, effet nuit, temps de ravitaillement), puis choisis la courbe de vitesse qui me donnera le temps que je vise. Je conserve le tableau de synthèse et le mini roadbook. L’un me donne mes temps de passage, l’autre m’aide à gérer ma course. Les statistiques (non montré) sont également utiles. J’exporte également la trace GPX, laquelle contient un axe temporel en phase avec mon objectif de temps.

Tableau de synthèseCourse Generator
Mini roadbookCourse Generator

Pour terminer, j’importe ce fichier GPX en tant qu’activité dans Garmin Connect, puis convertis l’activité en parcours. C’est ce parcours que j’envoie sur ma montre. Grâce à la fonction Virtual Racer, je serai en mesure de savoir à tout moment si je suis en avance ou en retard sur mon objectif, et de combien.

Si l’épreuve n’était pas nouvelle, j’aurais non seulement cherché à prévoir mon temps à l’arrivée mais également mon classement, de façon à bien me placer sur la ligne de départ. Pour cela, on utilise les cotes, ce qui fera l’objet d’un prochain article.

Il est également utile de connaître la fréquence cardiaque médiane correspondant au temps que l’on vise. Pour cela, j’ai construit (voir un précédent article) sur mes courses passées un modèle de régression polynomiale de degré 2. Malheureusement, les montres donnent plus souvent la fréquence cardiaque moyenne, laquelle est biaisée par les valeurs de départ. Il faut faire une approximation. Pour la course en question, mon modèle donne une fréquence cardiaque médiane de 190,8 bpm.

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2015 Nepal earthquake death toll

Green line : cubic-​polynomial fit to National Emergency Operation Center data. Vertical lines : quake times given by USGS.

La santé et son contraire

Les chronobiologiques conseillent de consommer les aliments riches en tryptophane — un acide aminé — le matin. D’autres invitent à profiter du repos nocturne pour né pas interrompre la longue digestion des protéines.

La plupart des nutritionnistes semblent considérer le petit déjeuner comme le repas le plus important de la journée. S’il faut petit-​déjeuner comme un roi, déjeuner comme un prince et dîner comme un mendiant, alors que devons-​nous penser des travaux du Docteur Dewey ?

Manger cru préserve les vitamines des aliments, mais les biologiques de l’évolution nous assurent que l’invention du feu a permis au cerveau de l’Homme de se développer.

Le naturopathe Robert Masson nous demande de né pas consommer les fruits frais avec les autres aliments. D’autres nous encouragent, au contraire, à les positionner en fin de repas de sorte que le bol alimentaire limite le pic d’insuline lié à la prise de fructose.

On entend dire qu’il faut composer des repas variés pour né manquer de rien. Pourtant, certaines associations né semblent pas conseillées pour des raisons liées aux sécrétions d’acide chlorhydrique et d’enzymes digestives, qui peuvent être différentes suivant les aliments.

Le café, dont l’indice PRAL est de –4,2 (expresso), serait “hyper-​acidifiant” et par conséquent déminéralisant.

L’homme serait fait pour manger toutes les quatre heures. Quid des pratiques ancestrales du jeûné (sous ses différentes formes) ?

Les sportifs d’endurance doivent augmenter leurs apports en glucides lents de façon à augmenter leurs stocks de glycogèné. Leur expérience semble pourtant montrer qu’il faut manger plus équilibré.

On prend un petit verre d’eau en fin de repas, et pas plus, pour éviter de diluer les sucs gastriques. Pourtant, le stockage d’un gramme de glycogèné demande 2,7 g d’eau.

Ce né sont que des exemples. Entre le fort ancrage des croyances populaires, le travail des lobbys, les éventuelles ambitions personnelles et les questionnements de la Science, il est difficile de se faire une opinion. Si toutefois vous savez lever certains de ces paradoxes, n’hésitez pas à m’éclairer.

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Jeûné

Comme beaucoup, j’ai été interpelé par cette enquête d’Arte (2011), puis ai ouvert le livre de Sophie Lacoste (2007), etc. Nous y sommes.

Pour mon premier jeûné, j’avais choisi un jeûné hydrique, à l’eau du robinet, sans purge ni tisane, et souhaitais tenir quatre jours, peut-​être cinq, de façon à entrer dans la phase d’autolyse. Avec un dernier repas vendredi soir et une reprise alimentaire progressive ce mercredi, le jeûné a finalement duré quatre jours et cinq nuits.

Le premier jour a été le plus difficile, en raison principalement de maux de tête, mais aussi d’une grande envie de manger et d’une frilosité intense. Ces migraines m’ont quitté après le premier jour, tandis que la faim m’a accompagné jusqu’au terme du deuxième — j’ai pu regarder Top Chef et un reportage sur le circuit court, traverser le marché, etc. La frilosité, elle, n’a disparu qu’une fois les premiers repas solides digérés. Dès le premier jour, mes sens se sont un peu aiguisés, tout particulièrement l’odorat et le toucher. À partir du troisième jour de jeûné, j’ai connu pendant 72 heures des bonnes courbatures derrière les genoux — une région musculaire que j’ai toujours fortement sollicitée et qui, aussi, souffre chez moi d’une certaine raideur.

Au troisième jour est apparue de façon passagère une marque sur mon visage, une ligne en creux, verticale, près de la tempe gauche. Un peu comme si j’avais dormi sur une tige en métal. C’est un collègue qui me l’a fait remarquer. J’ai également eu une sensation d’hyperthermie au niveau des tempes et du visage (deuxième et troisième jours), alors que ma température corporelle était descendue autour de 35,9 °C, contre 36,7 °C habituellement. Ma langue s’est chargée, prenant une couleur blanchâtre tirant sur le jaune. En revanche, ma peau n’a jamais dégagé d’odeur nauséabonde, comme il est souvent décrit. Mon pH urinaire — indicateur auquel je n’accorde pas vraiment d’importance — est descendu à 6,5 contre 7,5 habituellement.

Je n’ai pas rencontré de difficultés pour dormir — au contraire mes nuits n’ont jamais été décousues — et me réveillais naturellement une ou deux heures plus tôt que l’heure à laquelle ma lampe-​réveil s’allume. Mon ventre est devenu parfaitement plat et silencieux. Progressivement, une grande faiblesse musculaire s’est installée. Par exemple, il m’était pénible de monter les escaliers et impossible de sprinter pour attraper le métro. Mais si je me faisais doubler par bien des gens, les mots me venaient aussi plus facilement et me semblaient toujours très justes.

Durant cette expérience, j’ai perdu trois kilos, soit à peu près ce qu’on laisse sur une compétition de trail long. Dans les deux cas, le poids initial est retrouvé dans les jours suivants. Mon rythme cardiaque s’est un peu emballé, avec des valeurs de 65 bpm au repos et 115 debout, contre 45 et 55 bpm quand je suis entraîné. L’écart est plus net qu’après un ultra-​trail, même si les raisons sont très différentes. C’est pour moi une vraie surprise. Je vais également pouvoir analyser la variabilité de ma fréquence cardiaque (édit. : voir tableau ci-​dessous).

Je dois avouer que j’ai un peu regretté de rompre ce jeûné, car j’avais la sensation que les jours les plus pénibles étaient derrière moi, et les plus profitables, devant moi. En revanche, j’avais quand même très envie de savourer un bon repas. J’ai repris avec deux oranges pressées le matin, puis un jus bio et un plat de légumes bio à midi, enfin, le soir une salade composée et des pommes de terre sautées, bio également. Demain, j’intègre les céréales et après-​demain, peut-​être, la viande.

Résultats d’un tilt test (7 et 5 min) sous Kubios.Mise en page inspirée du tableau de suivi d’Alain Roche.

N Mazurak, A Günther, F S Grau, E R Muth, M Pustovoyt, S C Bischoff, S Zipfel and P Enck. Effects of a 48-​h fast on heart rate variability and cortisol levels in healthy female subjects. European Journal of Clinical Nutrition 67, 401 – 406 (April 2013) | doi :10.1038/ejcn.2013.32 (direct link) :

HRV during resting showed a significant (P <.001) decrease in standard deviation of the normal-​to-​normal interval (SDNN) and root mean square of successive differences (RMSSDs) from Day 1 to Day 3 of the experiment, with a small increase after 24 h that did not reach statistical significance. A 48 h of fasting also induced a significant (P <.001) decrease of mean interbeat intervals (IBIs), SDNN, RMSSD and log high-​frequency (HF) power during head-​up tilt testing.

An acute (48 h) total fast induced parasympathetic withdrawal with simultaneous sympathetic activation. These changes appear to reflect stress. Further studies are needed to demonstrate the specificity of these changes to fasting.

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2014 

Année blanche, ou noire — c’est selon. Les diagrammes parlent d’eux-mêmes : une semaine de vacances à très forte charge en mai en préparation du GRQ, responsable de l’installation d’une périostite tibiale bilatérale, puis une grande traversée en off le 4 octobre, soldée entre autres maux par un œdème au rétinaculum supérieur des muscles extenseurs de la cheville gauche. La première blessure risqué d’écrêter les courbes encore longtemps. La seconde n’est plus douloureuse.

2014 : 1224 km, 37 241 m D+, 14627 min, 76 sorties. Moyenne : 1,46 sortie de 16,1 km par semaine.

2013 : 1386 km, 42 877 m D+, 17146 min, 84 sorties. Moyenne : 1,61 sortie de 16,5 km par semaine.

Totaux hebdomadaires de T4 2012 à T4 2014.De haut en bas : distance, dénivelé positif et temps.
Indice de performance ITRA au 2 janvier 2015 

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Un tour du parc

N’ayant guère œuvré pour entretenir ma forme durant mes longs mois de blessure, c’est avec un peu d’amertume que je prends conscience du travail qu’il me reste à faire pour retrouver mon niveau du printemps dernier. Pour une première étape, remontons au printemps 2013. J’y avais réalisé mon record personnel du tour du parc de la Tête d’Or (3,869 km) en 14 :35, 11e temps (sur 648) au tableau de Strava, 4e ex-​aequo à celui de Garmin Connect. Aujourd’hui je n’ai fait que regarder courir mon partenaire virtuel. Avec le manqué d’entraînement, on perd non seulement les jambes ou le cardio mais aussi les repères d’allures. Résultat, je suis parti trop doucement et, une fois dans le rythme, n’ai su contenir ma dérive de fréquence cardiaque. 14 :57.

Comparaison avec mon record personnel.Source : http ://www.strava.com

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La dernière séance

Celle qui précède les vacances. La séance “fun”, qui sera récompensée par un petit goûter, pour ceux, bien sûr, qui pourront avaler quelque chose. La séance idéale pour provoquer des courbatures qui né disparaîtront qu’à la rentrée tellement les décélérations après les 50 ou 100 mètres peuvent être brutales pour les ischio-​jambiers. La phase descendante de la pyramide se fait “naturellement” avec le minimum de récupération. Malgré tout, on l’aime notre coach !

Analyse de la séance sur piste (longueur : 300 m) du jeudi 18 décembre 2014.La correspondance entre vitesse maximale aérobie (VMA) et temps de fractionnés est tirée de http ://amscap.free.fr/cap/allures.php, et la vitesse au seuil lactique (VSL), de http ://plans-entrainement.net/mes-allures. Les records du monde masculins sont indiqués par les lettres WR.

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The Dø au Transbordeur

The Dø est un duo parisien et franco-​finlandais que j’ai dû découvrir en 2008 grâce à mon pote Benoît à qui je dois quelques belles trouvailles dans la mouvance Indie. Oui, rappelez-​vous, c’était au temps de l’émission C’est Lenoir ! Les deux premiers albums, sortis en 2008 et 2011, naviguaient entre folk et pop emprunts d’accents tribals ou psychédéliques. Le groupe tenait une bonne place dans nos écoutes quand nous rentrions d’une journée sur les skis et nous affairions entre le poêle, l’atelier de fartage et la cuisine. De la frange d’Olivia Merilahti, la chanteuse, au succès en langue anglaise, le groupe avait sur la scèné indé française déjà un petit wagon d’avance sur les autres. Puis vint 2014. The Dø s’immisça dans le monde de l’électro-pop avec un album très remarqué, relayé notamment par les Inrocks. La jeunesse actuelle découvrait The Dø.

C’est ce même public jeune et urbain que j’ai retrouvé au Transbordeur. Pas grand chose à voir avec la foule trentenaire, londonienne ou new-​yorkaise, venue écouter les Écossais de Belle & Sebastian à la Villette en clôture de la deuxième soirée du festival Pitchfork ! En première partie, Saje : une voix haut perchée à la Mika, des arrangements et une présence qui font penser à James Blake, et surtout une pointe d’humour pour noyer le trac des premiers concerts. Les The Dø sont arrivés dans un jeu de lumières très stylé. Le duo des pochettes d’album s’est mué en un line up à cinq membres, et en même temps on remarque vite que tout l’espace est offert à la chanteuse, entrée en scèné quelques secondes après ses musiciens et choriste, dans le costume rouge de l’album Shake Shook Shaken. La fêlure dans la voix d’Olivia Merilahti génère des frissons qui parcourent lentement la salle. Elle en joue avec une subtilité incroyable qu’elle partage avec par exemple Emmy The Great et que l’on retrouve également dans ses gestes — je pense aux petites ondulations qui naissent de ses doigts plutôt qu’aux mouvements de body combat — et dans les regards complices échangés avec le public.

Le set, m’a-t-il semblé, fut le même que pour les précédents concerts de la tournée. Le Transbordeur, bien que loin du charme des salles classiques parisiennes, offre une proximité étonnante avec la scèné. Les morceaux les plus pop sont repris par de nombreux fans, mais lorsque Olivia entonne un morceau a cappella ou lo-​fi et que vient le moment du refrain, le public reste hypnotisé devant la délicatesse de l’interprétation, qu’il n’ose perturber. On sent que le groupe prend plaisir à jouer ; les sourires de la chanteuse s’impriment dans les têtes lyonnaises. Vers la fin du concert, elle se met un moment en retrait pour une incursion réussie dans l’électro, peut-​être annonciatrice de la destination musicale des prochains albums. La cavale européenne se terminera le 15 mai à Bruxelles.


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Traversée de la Chartreuse

Réalisée le 4 octobre 2014.

Du haut du single qui s’entête à suivre chaque repli de la longue échine du Saint-​Eynard, les arbres né semblent guère pressés d’enfiler leurs couleurs d’automne. Je serais bien de leur avis si la douleur né projetait chacune de mes pensées vers cette ville qui, quelque part, est restée la mienne. Cela fait maintenant onze heures que nous avons quitté la gare de Chambéry, soit le temps dont nous nous serions contentés, en temps normal, pour réaliser la traversée. Mais voilà, nous né sommes pas venus sur ces plateaux en quête de normalité.

Je né sais plus quand la douleur est arrivée. Cela fait sans doute deux ou trois heures, peut-​être quatre. Je sais, en revanche, que je n’oublierai jamais comment nous nous sommes élevés au-​dessus des brumes savoyardes dans la douceur de cette nuit d’octobre. Nous courons pour vivre ces moments de facilité, d’amitié, de silence : de simplicité. Contraint de marcher dans les descentes, je récupère un peu d’énergie pour courir les montées, si bien que Charles n’a pas ressenti le besoin de me dépasser.

Ma curiosité et l’attention que je porte naturellement aux signaux que m’adresse mon corps me permettent de reconnaître la plupart des blessures qui morcèlent mes saisons. Cela énerve les médecins autant que cela m’aide à évacuer les pensées perturbatrices pour me concentrer sur l’essentiel. Ainsi, mon esprit s’inquiète peu de cette ténosynovite du tendon tibial antérieur gauche ou encore cette tendinite du tenseur du fascia lata, à droite — celle-​là même qui m’avait cueilli un jour d’été sur les crêtes de Flaine il y a peut-​être douze ans. Il est en revanche préoccupé par le train que nous allons manquer si nous né nous activons pas davantage.

Sous le mont Rachais, nous décidons enfin de nous offrir une chance de nous asseoir dans les fauteuils sans interrompre le mouvement qui nous accompagne depuis l’embarquement à la gare d’Austerlitz. Notre inconscient choisit, lui, de préserver notre plaisir de courir ensemble, dans la facilité et dans la complicité que nous avons autrefois bâtie sur les arêtes de l’Oisans, dans le Queyras et ailleurs. Il est dix neuf heures trente quand nous gagnons le quai Perrière à quelques parts de pizza de la gare de Grenoble.

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Allô docteurs

La blessure vous cueille un samedi de mai. Vous savez pertinemment de quoi il s’agit mais êtes en 2014 et prenez donc rendez-​vous avec votre médecin traitant, une fois le weekend terminé. Il vous a fallu trois ans pour trouver un bon généraliste, et celui-​ci, désormais, n’accepte plus de nouveaux patients. Ses consultations sont un peu courtes, et les minutes en salle d’attente, certainement trop longues. Pourtant, pour rien au monde vous né changeriez de praticien. Son carnet de consultations étant bien rempli, vous êtes presque ravi qu’il vous accorde un rendez-​vous dans un délai de dix jours. Ce jour-​là, alors même qu’il vient de vous prescrire une IRM, la chance vous échappe déjà : à dix-​huit heures, les secrétariats de radiologie sont fermés. Un jour passé. Vous tentez de joindre les centres d’examen situés à proximité — comprenez, à Paris ! Vous naviguez entre sites internet, répondeurs et musiques d’attente. Quand, enfin, une secrétaire décroche, c’est pour vous annoncer des dépassements de cent euros ou des délais d’attente trop longs. Heureusement, bien que vous payez votre loyer à Paris, vous savez grâce à vos cours de géographie que le monde né s’arrête pas au périphérique. Vous avez même lu qu’on y trouve depuis 2010 la première IRM 3D de France. Vous acceptez le rendez-​vous qu’on vous propose. Ce sera à 845 le lundi — celui dans trois semaines.

Vous n’avez pas vu le médecin radiologue et repartez sans résultats — ils sont disponibles le lendemain à partir de 16 h. Remettre l’enveloppe au patient prend environ cinq secondes à la secrétaire, qui est à son poste toute la journée, mais un tel dérangement n’est possible qu’entre 16 h et 18 h. Vous posez donc un demi-​RTT pour récupérer des objets volés aux “objets trouvés” et votre IRM. La première étape se passé merveilleusement bien, et, plutôt que de marcher deux fois dix minutes et changer de métro trois fois, vous décidez, en Parisien malin, d’expédier le trajet en deux bus. Au bout d’une heure, vous vous rendez compte qu’il vous en faut deux. Vous abdiquez après avoir tenté d’attraper un dernier métro, en vous répétant que tant que vous habiterez Paris plus jamais vous né prévoirez de faire plus d’une chose dans la même journée. Quelques jours passent car, accessoirement, vous travaillez. Enfin, vous tenez votre IRM en main. Elle est un peu floue, et vous vous interrogez longuement sur l’intérêt de l’IRM 3D. Vous reprenez rendez-​vous avec votre médecin traitant. Passons qu’il vous refuse une première fois parce que vous vous êtes trompé d’heure. Vous n’osez pas lui dire que vous êtes tout à fait à l’heure et acceptez un troisième rendez-​vous. Après avoir mis en cause votre constitution –pour rappel une périostite tibiale est due à la traction répétée et excessive des muscles sur le périoste– et associé votre pratique sportive au haut niveau il vous adresse vers un spécialiste, vous annonçant un délai d’un mois et demi au minimum.

C’est votre jour de chance. Il reste quelques consultations avant les “grandes” vacances. Vous acceptez sans même regarder votre agenda. Un peu plus et vous déplaceriez vos propres congés annuels. Ça y est, deux mois ont passé, vous avez rendez-​vous avec quelqu’un que vous né connaissez pas, qui né vous connaît pas. Plus que trois semaines à attendre, à mâcher des graines de chia et tenter de garder ses distances avec la boîte d’anti-inflammatoires. Bienvenu dans le monde merveilleux des sportifs amateurs. Ceux dont les maux deviennent inexorablement chroniques par la seule faute de nos gouvernants. Sans doute sommes-​nous tout aussi coupables qu’eux, puisque nous les avons élus. Rêvons un instant d’un monde où amateurs et professionnels auraient accès à la même qualité de soins, où le corps médical né serait plus occupé à traiter les conséquences d’un empoisonnement alimentaire de grande échelle. Mais le rêve aura été bref car, déjà, la douleur vous saisit en pleine chair.

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Colours in the street

En clin d’œil à l’un des groupes les plus rafraîchissants de 2012.

Dans les escaliers du métro, je pense parfois à m’arrêter, m’imaginant que je monterais quand même, comme sur un escalator. Les trajets en métro, de par les vibrations qu’ils provoquent, sont devenus pénibles. Traverser un quartier à pied ou en vélo, ou même effectuer une séance de vitesse sur piste, né provoquent pas de douleur sur le moment, mais je le paie les jours suivants. J’ai à peu près tout tenté pour être en mesure de me présenter au départ du Grand Raid du Queyras et ses 132 km; malheureusement, ce que le corps peut né se résume pas toujours à ce que veut l’esprit.

L’IRM a confirmé le diagnostic : je souffre d’une périostite tibiale bilatérale, l’une des hantises des coureurs avec la fracture de fatigue et la tendinite du tendon d’Achille, doublée d’un œdème au jumeau interne. À l’origine de l’inflammation du périoste, il semble qu’il y ait une contracture des jumeaux intérieurs, d’où les bandes de tape noires (photo). Il faut maintenant comprendre pourquoi ils n’arrivent pas à se relâcher, et ainsi de suite, jusqu’à trouver la cause originelle. La bonne nouvelle est que j’ai du temps libre.

Tape (trois bandes et demi)La bande rose présente une structure en forme d’accordéon qui vise à amortir les vibrations. Les bandes noires favorisent le relâchement des muscles.

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Soigner une tendinite

Vous avez plusieurs méthodes, dont celle de la médecine moderne. Je vous livre ici la mienne — je né suis pas médecin, seulement scientifique. Dans la mesure du possible, je suis opposé à la prise de médicaments. Pour une tendinite, ils offrent dans le meilleur des cas une réponse éphémère –éventuellement lourde de conséquences pour plus tard– à un symptôme qui veut nous alerter d’un mal plus profond, lequel mérite pourtant d’être identifié et traité. Combien de médecins prennent la peine de dérouler le fil jusqu’à l’origine du problème ? Ce que j’évoque ici pour les tendinites est valable pour les ulcères et mille autres choses encore. Pour quelle raison les tendons des uns seraient-​ils faits de collagèné et les autres de sucre ? Le corps humain, c’est de la chimie, de la biologie, de la thermique et de la mécanique, pas de l’alchimie.

J’aime assez l’idée qu’il faut laisser vivre l’inflammation. L’inflammation crée des conditions favorables pour la guérison. Elle est justifiée par cette promesse que le corps hyper-​stimulé se déconstruit pour se reconstruire plus fort. Allez, je vous donne quand même ma recette (pour soigner… ou prévenir) :

- restauration de l’équilibre acido-​basique en privilégiant tout ce qui va contribuer à diminuer l’acidité du corps (tisane alcalinisante en décoction, minéraux alcalinisants à distance des repas, grandes quantités d’eaux alcalinisantes à distance des repas, aliments fortement basifiants comme la pomme de terre ou le vinaigre de cidre) et en limitant ce qui tend à l’augmenter (café, thé, vinaigre de vin),

- prise d’acides gras oméga 3 de type EPA (le soir au coucher) et restriction en oméga 6,

- plantes ou algues anti-​inflammatoires naturelles (feuille de cassis, racine de curcuma…),

- glaçage ou bains d’eau froide salée (quinze minutes deux à trois fois par jour),

- cataplasmes d’argile verte (une heure sous film alimentaire une fois par jour),

- de bonnes nuits de sommeil,

- homéopathie (préparation arnica, bryonia, rhus tox, trois fois par jour),

- massages à l’huile essentielle de gaulthérie (quelques gouttes à diluer dans un substrat d’huile végétale d’arnica, une fois par jour),

- kiné (ex. : “décordage” si TFLMTP),

- réflexion sur le geste, le matériel, l’entraînement,

- ostéopathie,

- visite chez le dentiste.

En cas de tendinite rebelle, emplâtre médicamenteux au diclofénac 1 % et ondes de choc chez un kinésithérapeute.

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Intensité d’effort en compétition

Je souhaite ici rebondir sur un billet d’Alain Roche au sujet de l’intensité d’effort en compétition, qu’il choisit d’évaluer en considérant la médiane temporelle. Regardons quel pourcentage de ma fréquence cardiaque maximale (ou de réserve, selon la formule de Karvonen) j’ai pu soutenir lors de mes compétitions officielles, auxquelles j’ajoute un test sur 5 km effectué au club dans de bonnes conditions. On trouve de gauche à droite : test 5 km (2014), 10 km (2014), trail du Pays de Sully (2013), trail des Cabornis (2014), trail du Petit Ballon (2013), trail des Glières (2013) et Saintélyon (2013).

Intensité cardiaque en fonction de la durée d’effortÀ partir de mes résultats personnels sur une période d’un an (17÷3÷2013 au 9÷3÷2014).

On constate que la relation peut être modélisée par une parabole. La courbe théorique, si elle existe, constituerait une enveloppe supérieure pour les mesures et se situerait donc légèrement au-​dessus de la parabole. Dans le cas présent, on peut noter des écarts ponctuels à la courbe expérimentale, liés à la qualité de la gestion de la course (imaginez une défaillance consécutive à un départ trop rapide ou à une fatigue musculaire importante) ou à la difficulté technique du parcours (présence de rochers ou de neige limitant durablement la vitesse de progression). Je me considère comme un coureur régulier dans ses performances, et il me semble retrouver cette caractéristique dans ces résultats. Rappelons que le trail du Petit Ballon avait été couru en 2013 dans des conditions de neige et de boue très délicates.

Exemple d’ajustement de la fréquence cardiaqueTest sur 5 km.

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Semaine-​choc dans le Pilat

Descendre dans le jardin pour y cueillir des fraises sauvages, ou traverser la campagne au bon vouloir des patous : voilà le choix qui s’offre à moi tous les matins. Cette semaine est l’occasion de gravir des côtes longues de plusieurs centaines de mètres de dénivelé, de réhabituer les muscles à la marche et à la progression avec bâtons. En raison de l’enchaînement quotidien de sorties longues, la fatigue s’installe progressivement. Je la contrôle en mesurant, le matin au réveil, un certain nombre de constantes (sic) physiologiques au repos, comme la fréquence cardiaque (HR) ou la moyenne quadratique des différences successives de intervalle R-​R (RMSSD). En position allongée, mon cœur bat désormais à la même vitesse que lorsque je me tiens debout, calme, en période de moindre charge.

Pour né pas trop solliciter l’organisme, je varie autant que possible les modélisations, alternant les sorties en faux-​plats, dédiées à la course, et les profils à forts pourcentages de pente, destinés à la marche avec bâtons. Mon idée est d’encaisser sur une semaine complète l’équivalent de la charge de mon objectif. Sur des sorties de trois heures, je m’aperçois que ma bascule personnelle entre marche et course se situe entre 16 et 19 pour cent de pente. Malheureusement, dans la région, tous les chemins présentant de telles pentes sont défoncés, encombrés de gros cailloux, et canalisent les eaux de pluie, tandis que les plus jolies randonnées empruntent généralement les crêtes, aux reliefs adoucis.

Les sorties sont effectuées en-​dessous du seuil aérobie, les montées, en intensité i.2, et les descentes, au palier i.1. J’effectuerai des séances spécifiques quand je serai plus familier des sentiers alentours. Sans une excellente connaissance du terrain, il est difficile de dégoter une pente assez propre pour être parcourue à pleine vitesse.

Dimanche : Gimel et la Pierre des Trois ÉvêquesSans bâtons.
Lundi : Crêt de ChaussitreSans bâtons.
Mardi : Burdignes et MontchalAvec bâtons.
Mercredi : Burdignes et croix de ChirolAvec bâtons (rangés au sommet).
Samedi : Crêts du PilatSans bâtons (ni chaussettes). Montée par les GR 42 et 7, descente par le sentier Odouard.

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La ligne

Pas de couloir majeur qu’il faut s’empresser de skier, mais une ligne droite de 11 km entre le Cuvier et la Seine, sur les sentiers bleus 5 nord, 4 sud, 4 – 3, 3 nord, 2 – 3, 13 – 15 et 2 – 13, d’ouest en est. Si la direction semble évidente, la carte IGN doit aussi être étudiée dans les détails : les circuits bleus donnent le tournis, et il vous faudra faire preuve de générosité dans les relances si vous voulez conserver votre vitesse en plus de votre orientation. Si le corps tente de s’abandonner au relâchement et à la fluidité du geste, l’esprit, lui, reste en éveil, hésitant entre le souvenir des passages antérieurs et la quête des signaux de balisage.

Après les 24 km d’hier en compagnie de Charles, je remets donc la distance en solo, sur un parcours différent, que je fabrique pièce par pièce au gré de la sortie. Descendu à la gare de Bois-​le-​Roi, je commence par le bleu n° 12, que j’améliore par la variante repérée dimanche dernier, puis attrape une partie intéressante du GR1 — TMF testée hier, avant de me lancer sur cette ligne droite. On emprunte d’abord le flanc sud des monts de Faÿ (le chaos de blocs du Cuvier), puis une échine séparée du mont Ussy par la vallée de la Solle, très panoramique malgré la végétation. Le final, moins intéressant que le reste, offre un peu de nouveauté avec notamment la jonction 13 – 15 que je né connaissais pas.

Carte et parcours
Profil

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Sense 1 et Sense Ultra

200 €, 200 g, 200 km”, voilà comment fut accueillie la S-​Lab Sense à sa sortie. Mais au fait, qu’en est-​il à l’usage ?

Certes, amorti, accroche et protection né sont pas les mots qui définissent le mieux cette chaussure — disons-​le tout de suite je suis contre l’amorti. En revanche, quel chaussant et quelles sensations ! Quand je m’aligne au départ d’un ultra-​trail qui doit durer quarante heures, le minimum que je demande à mon matériel est de se faire oublier. Alors merci à Salomon d’avoir choisi un chaussant près du pied (mais qui laisse assez de place aux orteils pour qu’ils puissent venir épouser le sol sans contrainte lors de la phase d’appui) et un faible drop pour une attaque avant-​pied (au fait, à quand une version strictement minimaliste ?), mis au point une construction souple et légère, inventé un système de laçage fiable. Les quelques défauts que j’ai pu citer ont sans doute contribué positivement au développement de ma technique.

Mais ça y est : mes Sense Ultra voient arriver le serre-​file. La toile est percée. Les Sense 1 sont quant à elles toujours en course.

Sense 1 vs Sense Ultra

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Préparation du GRQ 2014 

Le GRQ, c’est le Grand Raid du Queyras, dont la première édition aura lieu les 28 et 29 juin prochains. Les chiffres officiels sont les suivants :
- 132 km et 8300 m de dénivelé,
- sommet au col de Chamoussière à 2884 m d’altitude,
- passage dans cinq des huit villages du massif du Queyras,
- les premiers coureurs attendus en 15 h, les derniers en 35 h.

D’après mes estimations, cela ferait :
- 129,1 km horizontaux, 131,8 km sur le profil (trace GPS de l’organisation),
- 8439 m de dénivelé calculés sur la base d’ l’itinéraire prévu en 2013 (carte IGN).

Le parcours s’annonce aussi roulant qu’une TDS, avec de bons chemins en vallées, des sentiers tapissés d’épines de mélèzes à l’étage subalpin, et tout de même un peu de rocaille et de névés à l’étage alpin. Les estimations de performance seront donc plus précises que pour l’Échappée Belle qui traverse des chaos de blocs et des névés pentus. Softrun trouve mes performances hétérogènes — je vous laisse apprécier.

Estimation de performancewww​.soft​run​.fr

Ma principale erreur sur ce qui fut mon premier ultra-​trail avait été de né pas préparer suffisamment mon passage à la base vie, que j’ai atteinte à la nuit tombante, dans un concert de fatigue et de doutes. Cette fois-​ci, il s’agira pour moi de bien organiser mon sac coureur afin de repartir de Guillestre après seulement vingt minutes d’arrêt. Croyez-​moi, il y a mille choses à faire à ce moment-​clé de la course, comme recharger son GPS, changer de chaussures, se soigner…

Pour le reste, je prévois des ravitaillements courts et né me chargerai pas de plus d’un litre d’eau entre deux arrêts (seconde erreur pendant l’Échappée Belle). Quant à la micro-​sieste (troisième erreur de l’Échappée Belle), je la supprime, tout simplement, car l’effort sera moins long. Je me projette dans un “positive split” linéaire, qui me ferait terminer à 75,6 % de ma vitesse initiale et modélise la perte de puissance liée à la casse de fibres musculaires (favorisée par le travail en excentrique dans les descentes). À la différence des effets de l’altitude, je né tiens pas compte d’un éventuel ralentissement nocturne, puisque j’aime la fraîcheur et dispose d’une bonne frontale.

Si cette course me semble être à taille humaine, je m’interroge sur la longue étape entre Guillestre et Arvieux, qu’il est tentant — difficultés techniques mises à part — de comparer à celle du Morétan devant laquelle j’avais renoncé. L’organisation prévoit que les plus lents la franchissent en 6 h, alors que je me donne 4 h 52 min. Heureusement, la barrière horaire laisse 7 h 15 min pour la négocier.

Profil avec temps de passage prévusRéalisé avec le logiciel Course Generator.
Table de marcheRéalisé avec le logiciel Course Generator.

Voilà, il né me reste plus qu’à m’inscrire, et me remotiver pour courir.

Informations complémentaires :
- lever de soleil à 553,
- coucher de soleil à 2115,
- nouvelle lune le 27 juin.

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Un jour à Paris

Nom, prénom ! bafouilla l’agent.
- Pardon ? Luc Gential.
- Non ! Pas Luc Gential. Gential Luc.” Voilà comment a commencé ma journée. Ou plutôt, comment elle reprenait.

Deux heures plus tôt, je venais de franchir les portiques du RER en gare de Denfert-​Rochereau quand une ombré s’est portée à ma hauteur. Dans le silence d’un couloir où il n’y avait que moi, elle est parvenue à ouvrir ma sacoche alors que je remontais l’escalier en faisant virevolter ma valisette dans l’agitation des matins pressés, et est partie avec tout ce que ma vie pouvait comporter en chiffres inutiles. Je n’ai fait qu’entendre son pas derrière le coude de l’escalier, un pas qui venait de ma direction et que je n’avais pas croisé. Un pas précipité qui trahissait la fuite. Ma sacoche était ouverte alors que je me souvenais l’avoir refermée quelques minutes plus tôt. Je m’imaginai la scèné telle qu’avait dû l’enregistrer l’imposante caméra de surveillance. La suite, je la connaissais. Et quand bien même ce n’eût pas été le cas, je me serais rappelé que les gens dits pessimistes sont mieux armés que les autres pour faire face aux situations difficiles.

Que sommes-​nous quand il né nous est plus possible de prouver notre identité face aux gens qui nous gouvernent, ou gouvernent notre argent ? Comment réagiriez-​vous si votre banquière, que, par manqué de temps ou d’argent, vous n’avez jamais rencontrée depuis sa (récente) prise de fonction, vous posait toute sorte de questions personnelles tout en appelant discrètement votre portable ? Elle, précisément, qui sait tout de vos habitudes sans pour autant parvenir à vous distinguer des autres personnes. Peut-​être vous sentiriez-​vous libre, curieusement, et enfin vous-​même, débarrassé temporairement du matricule que la société vous a attribué sans vous demander votre avis — éventuellement une somme d’argent. Dans mon cas, je n’avais rien d’autre à offrir que la vérité et de la bienveillance à l’égard de cette jeune femme qui né cherchait finalement qu’à protéger mon argent.

En regagnant mon lieu de travail parisien, alors que j’aurais dû être présent à Londres, je croisai le chemin de ce vagabond faisant la manche dans les wagons du métro. Ce sans-​abri qui demandait précisément ce que je n’avais pas. Un SDF à qui la société avait tout de même laissé un acronyme, sorte de matricule générique servant à désigner ceux qu’elle n’était pas arrivée à domestiquer.

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