Paris, France

Luc Gential

Jeûné

Comme beaucoup, j’ai été interpelé par cette enquête d’Arte (2011), puis ai ouvert le livre de Sophie Lacoste (2007), etc. Nous y sommes.

Pour mon premier jeûné, j’avais choisi un jeûné hydrique, à l’eau du robinet, sans purge ni tisane, et souhaitais tenir quatre jours, peut-​être cinq, de façon à entrer dans la phase d’autolyse. Avec un dernier repas vendredi soir et une reprise alimentaire progressive ce mercredi, le jeûné a finalement duré quatre jours et cinq nuits.

Le premier jour a été le plus difficile, en raison principalement de maux de tête, mais aussi d’une grande envie de manger et d’une frilosité intense. Ces migraines m’ont quitté après le premier jour, tandis que la faim m’a accompagné jusqu’au terme du deuxième — j’ai pu regarder Top Chef et un reportage sur le circuit court, traverser le marché, etc. La frilosité, elle, n’a disparu qu’une fois les premiers repas solides digérés. Dès le premier jour, mes sens se sont un peu aiguisés, tout particulièrement l’odorat et le toucher. À partir du troisième jour de jeûné, j’ai connu pendant 72 heures des bonnes courbatures derrière les genoux — une région musculaire que j’ai toujours fortement sollicitée et qui, aussi, souffre chez moi d’une certaine raideur.

Au troisième jour est apparue de façon passagère une marque sur mon visage, une ligne en creux, verticale, près de la tempe gauche. Un peu comme si j’avais dormi sur une tige en métal. C’est un collègue qui me l’a fait remarquer. J’ai également eu une sensation d’hyperthermie au niveau des tempes et du visage (deuxième et troisième jours), alors que ma température corporelle était descendue autour de 35,9 °C, contre 36,7 °C habituellement. Ma langue s’est chargée, prenant une couleur blanchâtre tirant sur le jaune. En revanche, ma peau n’a jamais dégagé d’odeur nauséabonde, comme il est souvent décrit. Mon pH urinaire — indicateur auquel je n’accorde pas vraiment d’importance — est descendu à 6,5 contre 7,5 habituellement.

Je n’ai pas rencontré de difficultés pour dormir — au contraire mes nuits n’ont jamais été décousues — et me réveillais naturellement une ou deux heures plus tôt que l’heure à laquelle ma lampe-​réveil s’allume. Mon ventre est devenu parfaitement plat et silencieux. Progressivement, une grande faiblesse musculaire s’est installée. Par exemple, il m’était pénible de monter les escaliers et impossible de sprinter pour attraper le métro. Mais si je me faisais doubler par bien des gens, les mots me venaient aussi plus facilement et me semblaient toujours très justes.

Durant cette expérience, j’ai perdu trois kilos, soit à peu près ce qu’on laisse sur une compétition de trail long. Dans les deux cas, le poids initial est retrouvé dans les jours suivants. Mon rythme cardiaque s’est un peu emballé, avec des valeurs de 65 bpm au repos et 115 debout, contre 45 et 55 bpm quand je suis entraîné. L’écart est plus net qu’après un ultra-​trail, même si les raisons sont très différentes. C’est pour moi une vraie surprise. Je vais également pouvoir analyser la variabilité de ma fréquence cardiaque (édit. : voir tableau ci-​dessous).

Je dois avouer que j’ai un peu regretté de rompre ce jeûné, car j’avais la sensation que les jours les plus pénibles étaient derrière moi, et les plus profitables, devant moi. En revanche, j’avais quand même très envie de savourer un bon repas. J’ai repris avec deux oranges pressées le matin, puis un jus bio et un plat de légumes bio à midi, enfin, le soir une salade composée et des pommes de terre sautées, bio également. Demain, j’intègre les céréales et après-​demain, peut-​être, la viande.

Résultats d’un tilt test (7 et 5 min) sous Kubios.Mise en page inspirée du tableau de suivi d’Alain Roche.

N Mazurak, A Günther, F S Grau, E R Muth, M Pustovoyt, S C Bischoff, S Zipfel and P Enck. Effects of a 48-​h fast on heart rate variability and cortisol levels in healthy female subjects. European Journal of Clinical Nutrition 67, 401 – 406 (April 2013) | doi :10.1038/ejcn.2013.32 (direct link) :

HRV during resting showed a significant (P <.001) decrease in standard deviation of the normal-​to-​normal interval (SDNN) and root mean square of successive differences (RMSSDs) from Day 1 to Day 3 of the experiment, with a small increase after 24 h that did not reach statistical significance. A 48 h of fasting also induced a significant (P <.001) decrease of mean interbeat intervals (IBIs), SDNN, RMSSD and log high-​frequency (HF) power during head-​up tilt testing.

An acute (48 h) total fast induced parasympathetic withdrawal with simultaneous sympathetic activation. These changes appear to reflect stress. Further studies are needed to demonstrate the specificity of these changes to fasting.

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