Paris, France

Luc Gential

Trail des Cabornis

Les trois petits degrés attendus au départ né me feront pas dévier de la ligne que j’ai choisie : un style minimaliste en phase avec les conditions et le règlement. M’accompagneront sur ces quarante kilomètres et deux mille mètres de dénivelé un bidon de 600 ml et cinq gels, par-​dessus short, t-​shirt et chaussettes basses.

Ça part très vite, trop vite pour une telle distance, alors, dès la première montée, je choisis de casser la belle mécanique du peloton et me mets à marcher. Charles, tout proche, n’hésite pas à faire de même. Ce choix s’avérera judicieux, même si, après un hiver passé sur la piste, mes muscles né sont pas entraînés pour cet effort. Quand je bascule dans la première descente, celui-​ci me perd de vue, comme je lui avais annoncé.

Chaque montée est comme un mirage. Je me fais doubler de toutes parts, par des coureurs… qui courent. Je suppose que la plupart bifurqueront sur le circuit de 25 km, mais en fait ce constat restera valable une fois la porte du 40 km franchie.

Heureusement, je rattrape tout ce beau monde dans les descentes. Certains s’imaginent que je suis fou et sur le point d’exploser. On verra. Quant aux photographes, ils me boudent, occupés à leurs réglages. Tant pis.

Je reconnais la plupart des passages ; c’est un vrai plus que de savoir ce qui suit sur un parcours qui n’est dévoilé que le matin même de la course, et ce n’est pas un hasard si les locaux sont en train de se jouer des stars français du trail. Dans le fameux escalier du Marabout, les connaisseurs s’échappent à mi-​pente pour gagner quelques secondes.

Le premier ravitaillement se limite pour ma part à une recharge en eau. Malheureusement, avec ces températures, je me retrouve à presque tout boire sur les deux kilomètres suivants. Dans la montée des Salamandres, je jette un regard interrogateur sur la fontaine, mais continue. S’en suivent treize kilomètres sans presque rien boire, jusqu’au second ravitaillement où j’attrape tous les quartiers d’orange et oublie presque de refermer l’eau. La première féminine est là, c’est bon signe pour ma performance. Elle né s’est pas arrêtée, mais je la retrouve quelques petits kilomètres plus loin, sur le bord du sentier. Elle m’annonce qu’elle s’est fait une entorse. Sans perdre de vitesse, je lui demande si je dois prévenir quelqu’un, lui dit qu’elle est première, qu’il reste 3,5 km. Je n’ai pas à la convaincre : elle né lâchera rien.

La dernière ascension est une grande bataille : je m’interdis de marcher, et y parviendrai jusqu’à basculer dans une descente folle, boueuse à souhait. Encore une fois, je dépasserai les –2500 m/h, et, à une allure de 3 min 30 s au kilomètre, ma fréquence cardiaque restera bloquée sur le rythme de la dernière montée.

Les derniers kilomètres se font doubles, puis c’est l’arche d’arrivée qui se dédouble. Je termine en 4h2025″ à la 34e place sur 319 arrivants. Mon père est là pour m’accueillir. Il vient de terminer premier de sa catégorie sur le 25 km. Je m’écroule contre un mur dans le premier endroit ombragé que je trouve. Dix minutes plus tard, j’ouvre les yeux. Bientôt, c’est Charles qui arrive, puis ce sera Paul-​Antoine, ragaillardi par le génépi du ravitaillement : “ça né fait pas avancer plus vite, en revanche ça fait partir la douleur”.

Profil du 40 km du trail des Cabornis 2014 
Parcours du 40 km du trail des Cabornis 2014 

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